Je m'étais penché il y a un an et demi sur l'affaire déclenchée aux Etats-Unis par le téléchargement massif de 4,8 millions d'articles de JSTOR auquel s'était livré un jeune "haktivist" nommé Aaron Swartz dans les locaux du MIT. Pour ce "crime", il encourait jusqu'à 35 ans de prison et 1 million d'amende.
Le dangereux criminel, (qui, en fait de forfait, n'avait fait qu'enfreindre le §5.d des Terms of Use de la plate-forme JSTOR, lequel prohibe l'usage de tout programme informatique permettant de télécharger automatiquement du contenu via des robots, spiders, crawlers, wanderers ou accélérateurs), a préféré mettre fin à ses jours. Est-ce une mort pour rien ?
Le dangereux criminel, (qui, en fait de forfait, n'avait fait qu'enfreindre le §5.d des Terms of Use de la plate-forme JSTOR, lequel prohibe l'usage de tout programme informatique permettant de télécharger automatiquement du contenu via des robots, spiders, crawlers, wanderers ou accélérateurs), a préféré mettre fin à ses jours. Est-ce une mort pour rien ?
Peut-être pas. Outre l'émotion suscitée et exprimée au travers de milliers de blogs, tweets, mails etc, la disparition de Swartz est en train de déclencher une onde de choc sans précédent sur le web mais aussi dans les sphères académiques et politiques :
- en hommage à Swartz, plusieurs milliers de chercheurs ont spontanément déposé leurs articles sur le site #PDFTribute
- la députée Zoe Logfren souhaite proposer une "loi Aaron" qui viendrait amender la loi CFAA (Computer Fraud and Abuse Act). Cette législation datée de 1984 pose, du point de vue de l'Electronic Frontier Foundation, deux problèmes : 1) le champ de la loi est trop large et trop vague 2) les pénalités prévues par la loi sont beaucoup trop lourdes. Comme dit Ian Milhiser du Center for American Progress Action Fund : "Aaron Swartz risquait une peine de prison plus sévère que des tueurs, des trafiquants d'esclaves et des braqueurs de banque".
- une pétition déposée sur le site officiel de la Maison Blanche a recueilli plus de 35 millions de signatures. Elle demande la destitution de Carmen Ortiz, le procureur qui a instruit le procès à charge contre Aron Swartz. Le juriste Lawrence Lessig n'est pas étranger à cette pétition, lui qui a qualifié Carmen Ortiz de "tyran"
- le président du MIT a décidé l'ouverture d'une enquête pour déterminer notamment si les services de sécurité n'ont pas fait preuve d'un zèle excessif
- les Anonymous ont décidé de disséminer via les réseaux P2P l'ensemble des fichiers récupérés par Aaron Swartz. Les Anonymous préparent d'autres actions de plus grande envergure : la phase 2 de l'opération "OpAngel" consistera notamment à hacker le site du MIT et les sites du département de la Justice en lien avec les magistrats qui ont engagé les poursuites contre Aron
- Gale Cengage, un site qui commercialise frauduleusement des documents issus du domaine public a également été hacké pour libérer les données
Le fond du problème que mettent en lumière les poursuites engagées contre Aaron Swartz et leur dénouement tragique, c'est la question de l'appropriation abusive par des acteurs publics ou privés des biens communs de la connaissance issus de la recherche et/ou du domaine public.
Il arrive même que des institutions publiques s'entendent avec des partenaires privés pour mettre en oeuvre de concert un système d'appropriation exclusive du domaine public au nom d'une rentabilité qui reste à démontrer. Tel est le cas des deux accords signés il y a quelques jours par la Bibliothèque nationale de France avec des acteurs privés, dans le cadre des investissements d'avenir (autrement dit avec des deniers publics). Avalisés par le Ministère de la Culture, ces accords mettent en place un système de partenariat public-privé, qui mérite le qualificatif de "copyfraud". Plusieurs acteurs de la société civile, dont le collectif La Quadrature du Net et le mouvement SavoirsCom1 ont déjà exprimé leur opposition la plus franche.
Espérons que la mort d'Aaron ne sera pas inutile...
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