<Mise à jour du 15 avril/> @doctorlaura signale sur son blog que certaines anthologies traduites ont été retirées du registre ReLIRE. Ce retrait a-t-il eu lieu suite à une demande expresse de certains des auteurs qui ont fait jouer l'opt-out, ou bien s'agit-il d'un retrait spontané décidé par la BnF, opérateur de l’État, chargée par la loi de créer, maintenir et publier la liste des livres indisponibles ? Dans le seconde hypothèse, cela signifierait que le Ministère de la Culture et de la Communication craint des actions en justice. </Mise à jour du 15 avril>
Tandis que les réactions d'hostilité à la base ReLIRE, tant du côté des auteurs, des éditeurs, que des lecteurs [mais pas pour l'instant du côté des bibliothèques] se multiplient, on voit fleurir les analyses qui mettent au jour les béances du texte de loi adopté par le Parlement il y a un an : un texte incroyablement mal pensé et mal conçu, dont on mesure mieux les lacunes maintenant que la base est mise en ligne. Voici trois exemples glanés ici ou là.
Pourquoi numériser un ouvrage papier quand l'auteur dispose déjà d'un fichier numérique ?
C'est @svetambre qui a soulevé le lièvre sur son blog :
Vous croyez encore que les éditions numériques sont obligatoirement dérivées d'éditions papier ? Que ce sont de bêtes scans OCRisés ? Qu'au XXe siècle, les auteurs n'avaient pas d'ordinateur ni de logiciels de traitement de texte ?
Eh oui ! Pourquoi donc vouloir produire à partir d'un ouvrage papier un artefact numérique quand le fichier numérique existe déjà et qu'il suffit de le demander à l'auteur (quand ce dernier est joignable)? La question confère subitement au programme de numérisation un air de vaste expérience shadokienne...
Que se passe-t-il si la SOFIA octroie une autorisation d'exploitation exclusive de 10 ans à l'éditeur d'origine alors que l'auteur a partagé librement son ouvrage en ligne ?
Resituons le problème. La loi de mars 2012 énonce que :
Une autorisation d’exploitation exclusive de 10 ans est proposée par la société de gestion collective à votre éditeur d'origine si ce dernier est encore en activité et s’il détient toujours les droits sur le livre imprimé. L’éditeur qui accepte la proposition qui lui est faite par la société de gestion collective d'une autorisation d’exploitation exclusive de 10 ans doit fournir la preuve de l’exploitation du livre sous forme numérique dans un délai de 3 ans. Si l'éditeur d'origine ne souhaite pas bénéficier d'une autorisation d’exploitation exclusive de 10 ans, tout opérateur numérique peut demander une autorisation d’exploitation non exclusive d’une durée de 5 ans.
Maintenant supposons a) qu'un auteur ne se soit pas manifesté dans le délai de 6 mois après la publication annuelle de la liste des livres indisponibles dans ReLIRE, pour s'opposer à l'entrée en gestion collective de ses oeuvres, (simplement parce qu'il n'était pas au courant de l'existence de la base ReLIRE) et b) que ce même auteur ait fait le choix de diffuser gratuitement sur la toile, une ou plusieurs des oeuvres listées dans ReLIRE. Eh bien, une fois que la SOFIA aura octroyé une autorisation d'exploitation exclusive à l'éditeur d'origine, l'auteur serait en état d'infraction pour non-respect de l'exclusivité commerciale qui le lie désormais malgré lui à son éditeur pour l'exploitation de l'oeuvre sous sa version numérique.
Pure fiction me direz-vous ? Pas vraiment. Rien d'impossible. Par exemple, un auteur aussi prolifique que Joël de Rosnay n'est pas loin d'entrer dans ce cas de figure :
Certes, pour l'instant, les ouvrages que Joël de Rosnay a mis en ligne en accès gratuit ne sont pas listés dans ReLIRE. Mais que fera-t-il dans un an, lors de la publication de la suite de la liste, si le cas se présente ? Gardera-t-il le même flegme ?
Certes, pour l'instant, les ouvrages que Joël de Rosnay a mis en ligne en accès gratuit ne sont pas listés dans ReLIRE. Mais que fera-t-il dans un an, lors de la publication de la suite de la liste, si le cas se présente ? Gardera-t-il le même flegme ?
Les auteurs étrangers seront-ils les grands lésés de l'affaire ?
Faute d'être suffisamment informés, bon nombre d'auteurs français listés dans la base ReLIRE ne s'opposeront probablement pas à l'entrée en gestion collective de leur(s) livre(s) pendant la période de 6 mois après l’inscription du (des) livre(s) dans le registre.
Mais le nombre des auteurs floués ne s'arrête pas là. Comme l'indique ActuaLitté, et la Team Alexandriz sur son site parodique Relire Bay, la base ReLIRE contient un nombre important de traductions, et ce en contradiction avec le rapport d'Hervé Gaymard, remis à l'Assemblée Nationale en janvier 2012, qui préconisait :
Et subitement, on se souvient des protestations véhémentes poussées il y a quelques années par les éditeurs hexagonaux lorsqu'ils ont découvert que le projet Google Books incluait la numérisation de leurs ouvrages...
Et on se dit que, décidément, ce texte de loi, rédigé en dépit du bon sens, est aussi troué que la passoire des Shadoks...
Mais le nombre des auteurs floués ne s'arrête pas là. Comme l'indique ActuaLitté, et la Team Alexandriz sur son site parodique Relire Bay, la base ReLIRE contient un nombre important de traductions, et ce en contradiction avec le rapport d'Hervé Gaymard, remis à l'Assemblée Nationale en janvier 2012, qui préconisait :
En pratique et d’après les informations recueillies par le rapporteur, il est prévu de ne pas inscrire dans un premier temps de traductions dans la base de données des livres indisponibles prévue par la présente proposition de loi et d’attendre la mise en place de systèmes de gestion similaires dans les pays d’origine des œuvres traduites.En pratique, du fait que le registre ReLIRE inclut dès à présent des auteurs étrangers traduits, on s'aperçoit que le champ d'application de la loi sur les oeuvres indisponibles déborde très largement le cadre strictement national. Il empiète allègrement sur le droit des auteurs étrangers qui ont eu le malheur d'être traduits en Français. Quelle sera leur réaction ? La probabilité qu'ils entament une démarche d'opposition semble infime. Cependant, quelques auteurs anglo-saxons commencent à sortir du bois, ici ou là. Il suffirait d'une ou deux affaires portées devant un tribunal par l'un d'eux pour porter un sérieux coup d'arrêt à la machine à relire.
Et subitement, on se souvient des protestations véhémentes poussées il y a quelques années par les éditeurs hexagonaux lorsqu'ils ont découvert que le projet Google Books incluait la numérisation de leurs ouvrages...
Et on se dit que, décidément, ce texte de loi, rédigé en dépit du bon sens, est aussi troué que la passoire des Shadoks...