En vain! L'Azur triomphe, et je l'entends qui chante
Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus
Nous faire peur avec sa victoire méchante,
Et du métal vivant sort en bleus angelus!
Il roule par la brume, ancien et traverse
Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr
Où fuir dans la révolte inutile et perverse?
Je suis hanté. L'Azur! L'Azur! L'Azur! L'Azur!
Prologue
" Nous sommes tous des délinquants potentiels...
- Quoi, comment?- N'avez-vous jamais chanté "Joyeux anniversaire" à l'une de vos connaissances dans un restaurant ou sur son lieu de travail ?
- Hum, il me semble bien que si...
- Alors, je le dis: vous êtes un délinquant et même un criminel !
- De quel droit osez-vous m'accuser?
- Au nom du droit d'auteur !
- Que me chantez-vous ?
- Je vous chante la chanson "Joyeux anniversaire" dont le copyright de la musique est détenu par la Warner. Du moins le prétend-elle et personne n'ose la contredire, étant donnés les frais d'avocat qui seraient occasionnés en cas de litige...
- Quoi? La chanson n'est pas dans le domaine public? Je ne peux pas la chanter librement?
- Vous pouvez la chanter. Mais si vous voulez la chanter gratuitement, veillez s'il vous plaît à rester dans le cadre du cercle de famille. Ne vous avisez pas de la chanter dans un lieu public sans avoir versé au préalable des droits à une société de perception et de répartition des droits !
- [Silence contrit]
- Je suis vraiment stupéfait de votre méconnaissance des règles les plus élémentaires du droit d'auteur. Comment peut-on être aussi ignorant?"
- Au fait, je viens de recevoir un message d'avertissement de la HADOPI.
- Quoi ! Vous êtes un pirate ?
- Pirater est un grand mot ! J'ai regardé sur DailyMotion avec ma fille de 4 ans deux Mickey Mouse et comme ils nous ont plu, je les ai téléchargés en utilisant un plug-in fourni par Microsoft...
- Quelle erreur...
- Je me suis dit que comme les deux courts-métrages dataient de 1940, ils étaient probablement entrés dans le domaine public...
- Si je comprends bien, vous n'avez strictement aucune notion de droit d'auteur américain, misérable cloporte ! Car sinon, vous auriez su que le Sonny Bono Copyright Extension term Extension Act, dit Mickey Mouse Protection Act, gèle jusqu'en 2019 le début de l'entrée progressive dans le domaine public des oeuvres produites entre 1923 et 1978
- Je me sentais à l'abri: je me disais que tant qu'à faire, si l'on devait poursuivre quelqu'un pour violation de droit d'auteur, ce devait être ou bien la personne qui avait posté les vidéos, ou bien la plate-forme qui héberge lesdites vidéos.
- En France, la Loi de Confiance dans l'Economie Numérique offre aux hébergeurs une protection par défaut .... Et puis nul n'est censé ignorer la loi... donc vous êtes coupable !"
La réforme du droit d'auteur selon Lessig
Face à cette avalanche d'évènements, j'ai éprouvé le besoin de prendre du recul, et je me suis dit: il faudrait relire Lawrence Lessig, qui a souvent abordé ces questions, notamment dans Free Culture (2004) et Remix (2008), mais aussi, auparavant, dans The Future of Ideas (2001). Et aussitôt deux questions sont apparues. D'une part les propositions de Lessig constituent-elles des pistes d'action concrète ? D'autre part, sont-elles toujours valables en 2012 ou bien l'accélération de la technique les a-t-elle rendues obsolètes?
Les trois ouvrages de Lessig présentent dans les derniers chapitres une série de mesures concrètes pour réformer le droit d'auteur. (Fin du premier suspense... La réponse à la première question était: oui). L'ennui, c'est que les mesures sont articulées et présentées différemment dans les trois ouvrages, soit que Lessig ait éprouvé d'un ouvrage à l'autre, le besoin de rendre son propos plus didactique, soit que la perspective du discours se soit élargie : dans la conclusion de Free Culture, Lessig consacre beaucoup de pages à la question du partage de fichiers musicaux, dans Remix, il aborde non seulement la question du partage mais aussi de la pratique du remix, et ce, toutes industries culturelles confondues. Je me suis donc attelé à faire la synthèse des trois séries de mesures (1). Cela constituera ma contribution aux débats en cours.
1) Déréglementer la créativité amateur
La réutilisation d'une oeuvre dans le cadre d'une pratique amateur ne devrait pas être susceptible de constituer une infraction au droit d'auteur. Exemple donné par Lessig: Stéphanie Lenz qui avait diffusé sur YouTube une vidéo de sa fille de 13 mois dansant sur une chanson de Prince n'aurait jamais dû être menacée par Universal Music de poursuites judiciaires assorties d'une amende de $150 000.
Plutôt que de se focaliser sur les droits attachés à l'oeuvre, il faut considérer les usages qui en sont faits: chaque fois qu'il s'agit d'un usage non- commercial de l'oeuvre, les armées des avocats des ayants-droit ne devraient pas avoir leur mot à dire.
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PROFESSIONNEL
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Cependant, précise Lessig, chaque fois qu'une oeuvre est diffusée/remixée par un amateur via une plateforme soit commerciale soit hybride, (Lessig entend par économie hybride: un modèle économique où exploitation libre et exploitation commerciale sont intrinsèquement liés, par exemple la plateforme YouTube qui propose un accès gratuit tout en se rémunérant sur la publicité générée), une compensation pour l'artiste est nécessaire. Autrement dit, comme dirait Richard Stallman, "free" ne signifie pas "gratuit" comme dans "free beer" mais "libre" comme dans "free speech". Lessig ne fait qu'évoquer sans les détailler, les différentes modalités de rémunération possible (licence globale, sociétés de perception et de répartition des droits, etc).
Lessig met en lumière un paradoxe étonnant. Le problème qui se pose aux ayants-droit ne vient pas d'un manque de contrôle. Il vient d'un excès de contrôle! Comme la loi permet à l'ayant-droit de s'opposer à certaines utilisations, l'ayant-droit est contraint de se préoccuper des mauvaises utilisations qui sont faites de son oeuvre. Si le détenteur du copyright n'a plus légalement la faculté de contrôler l'utilisation, alors la mauvaise utilisation n'est pas de sa responsabilité.
2) Clarifier le droit d'auteur par davantage de formalités
Le droit d'auteur actuel est un tissu d'incertitudes. De ce fait, de nombreux projets de création sont empêchés de voir le jour. Seules les sociétés qui sont en mesure d'assumer des frais de justice peuvent se permettre de prendre des risques.
Ce problème pourrait être résolu relativement facilement en appliquant une innovation aussi vieille que la loi sur le copyright américain.
Avant d'être aboli en 1976, le système du droit d'auteur américain fonctionnait sur un mécanisme d'opt-in: les ayants-droit devaient, pour bénéficier de la protection de la loi, enregistrer et renouveler le copyright auprès du Copyright Office. Bien qu'onéreux et lourd à mettre en place, ce système avait une vertu: il se focalisait sur les oeuvres qui, du point de vue des artistes ayant fait la démarche de l'enregistrement, en avaient réellement besoin. En 1976, le Congrès a fait basculer le système du copyright dans un mécanisme d'opt-out. Plus aucune formalité n'est nécessaire pour bénéficier de la protection. Et la durée de protection est maintenant la durée maximum, automatiquement.
A l'ère du Read Write (par opposition à l'ère précédente du Read Only, où la consommation culturelle participait d'une passivité plus grande, parce qu'elle offrait moins de possibilités de réappropriation et de partage des biens culturels), ce système automatique et fondamentalement ambigu alourdit la créativité.
La solution préconisée par Lessig est la suivante: la loi imposerait aux ayants-droit une obligation d'enregistrement de l'oeuvre après une période initiale de protection automatique. 14 ans après que l'oeuvre aurait été créée et rendue publique, l'ayant-droit devrait enregistrer le travail. S'il manquait à cette obligation, d'autres personnes pourraient réutiliser l'oeuvre, soit gratuitement, soit moyennant le paiement de royalties. Passés les 14 ans, le seul type d'oeuvre qui serait pleinement protégé serait l'oeuvre pour laquelle l'auteur aurait entrepris des démarches d'enregistrement.
Pour Lessig, la technologie permet de faciliter grandement ces méthodes d'enregistrement. On pourrait facilement imaginer un système par lequel les ayants-droit enregistreraient leur travail en le téléchargeant sur des serveurs dépendant du Copyright Office, lesquels compileraient les dépôts dans une liste d'oeuvres protégées par le copyright.
Dans Free Culture, ouvrage antérieur à Remix, Lessig parlait de trois formalités et non de deux: l'enregistrement et le renouvellement devaient être précédés du marquage. Ce dernier a pour but de signaler au public que cette oeuvre est copyrightée et que l'auteur veut appliquer ses droits. Le marquage facilite également la localisation du détenteur du copyright pour s'assurer de l'autorisation donnée d'utiliser son oeuvre. A l'inverse, la signification d'une oeuvre non marquée serait: "utilisez la à moins que quelqu'un ne s'en plaigne". Si quelqu'un exerce une plainte, alors il y aurait obligation de cesser à partir de ce moment d'utiliser l'oeuvre dans n'importe quelle oeuvre nouvelle, même si aucune pénalité ne serait attachée aux usages existants.
Dans Remix, Lessig passe sous silence la question du marquage. Cet infléchissement s'explique probablement de la façon suivante:
Lessig avait proposé dans L'Avenir des Idées une mesure assez radicale: un renouvellement du copyright tous les cinq ans, le tout devant aboutir à une période maximale de protection de 75 ans. Suite à l'affaire Eldred, affaire dans laquelle Lessig avait plaidé en tant qu'avocat pour l'anticonstitutionnalité du Sonny Bono Copyright Extension term Extension Act de 1998 qui rallongeait la durée de protection du copyright de 20 ans, le débat public prit de l'ampleur aux Etats-Unis et dans le reste du monde anglo-saxon. Plusieurs propositions de modifications bien plus radicales de la durée de protection virent le jour. Le journal britannique The Economist proposa par exemple une durée de protection de 14 ans renouvelable une fois. Comme on l'a vu, c'est cette dernière durée de protection que Lessig reprend à son compte dans Free Culture et Remix. Mais, précise Lessig, que la durée soit de 75 ou 28 ans (d'autres durées sont possibles: le Parti Pirate Européen propose par exemple: une durée maximale de 20 ans, impliquant un renouvellement tous les 5 ans une fois l'oeuvre publiée), il y a quatre principes à garder à l'esprit concernant les durées de protection:
Dans Free Culture, ouvrage antérieur à Remix, Lessig parlait de trois formalités et non de deux: l'enregistrement et le renouvellement devaient être précédés du marquage. Ce dernier a pour but de signaler au public que cette oeuvre est copyrightée et que l'auteur veut appliquer ses droits. Le marquage facilite également la localisation du détenteur du copyright pour s'assurer de l'autorisation donnée d'utiliser son oeuvre. A l'inverse, la signification d'une oeuvre non marquée serait: "utilisez la à moins que quelqu'un ne s'en plaigne". Si quelqu'un exerce une plainte, alors il y aurait obligation de cesser à partir de ce moment d'utiliser l'oeuvre dans n'importe quelle oeuvre nouvelle, même si aucune pénalité ne serait attachée aux usages existants.
Dans Remix, Lessig passe sous silence la question du marquage. Cet infléchissement s'explique probablement de la façon suivante:
- à partir du moment où le système évoqué dans Remix implique une protection automatique au cours de la période qui suit immédiatement la publication, le marquage devient inutile juridiquement, quoiqu'utile en pratique pour permettre de repérer facilement si l'oeuvre est copyrightée.
- le marquage est en partie redondant avec l'enregistrement, quoique les finalités des deux formalités ne soient pas les mêmes.
- trois formalités tendent à un excès de formalisme, lors même que le but visé est une simplification du droit.
- d'après le professeur de droit William Fisher cité par Lessig, le marquage est un élément-clé de la mise en place d'une licence globale (voir: 5 - Libérer la musique). Mais des travaux plus récents proposent la mise en place de licences globales sans nécessité de marquage.
Ces considérations nous amènent à supposer que pour Lessig, le marquage serait une formalité facultative et non obligatoire.
3) Des durées de protection plus courtes
Lessig avait proposé dans L'Avenir des Idées une mesure assez radicale: un renouvellement du copyright tous les cinq ans, le tout devant aboutir à une période maximale de protection de 75 ans. Suite à l'affaire Eldred, affaire dans laquelle Lessig avait plaidé en tant qu'avocat pour l'anticonstitutionnalité du Sonny Bono Copyright Extension term Extension Act de 1998 qui rallongeait la durée de protection du copyright de 20 ans, le débat public prit de l'ampleur aux Etats-Unis et dans le reste du monde anglo-saxon. Plusieurs propositions de modifications bien plus radicales de la durée de protection virent le jour. Le journal britannique The Economist proposa par exemple une durée de protection de 14 ans renouvelable une fois. Comme on l'a vu, c'est cette dernière durée de protection que Lessig reprend à son compte dans Free Culture et Remix. Mais, précise Lessig, que la durée soit de 75 ou 28 ans (d'autres durées sont possibles: le Parti Pirate Européen propose par exemple: une durée maximale de 20 ans, impliquant un renouvellement tous les 5 ans une fois l'oeuvre publiée), il y a quatre principes à garder à l'esprit concernant les durées de protection:
- Keep it short. Des durées trop longues dissuadent l'innovation et la créativité.
- Keep it simple. La ligne de séparation entre domaine public et contenu protégé doit être claire.
- Keep it alive. Le copyright devrait être renouvelé périodiquement.
- Keep it prospective. Garder à l'esprit qu'une fois fixée la durée maximale de protection, celle-ci ne doit pas être rallongée rétroactivement.
4) Free use vs Fair use
Contrairement à ce qu'on peut lire ici ou là, le fair use n'est pas la panacée pour ouvrir une liste ouverte de droits dérogatoires aux droits exclusifs de l'auteur sur son oeuvre. La doctrine du fair use, selon Lessig, a été conçue en imaginant qu'elle serait administrée par des avocats. C'est une doctrine complexe et de ce fait, sa mise en application implique pour le client de s'entourer de bons avocats (entendez: onéreux). Le fair use se révèle aujourd'hui totalement inadapté au monde du numérique, dans lequel baigne tout un chacun, toutes classes sociales et tous âges confondus.
Dans Free Culture, Lessig insiste sur les droits dérivés, dont la durée de protection devrait être abrégée et rester strictement inférieure à la durée de protection de l'oeuvre principale, et dont la portée devrait également restreinte. Le législateur devrait établir une liste fermée des usages autorisés, et les autres usages seraient présumés non autorisés.
5) Libérer la musique...et ouvrir l'accès aux oeuvres orphelines
Dans Free Culture, Lessig consacre un point spécifique à la musique, du fait qu'au début des années 2000 elle a beaucoup focalisé les esprits (procès de Napster). Cependant, les remarques qu'il apporte sont généralisables à d'autres médias.Lessig distingue quatre types de partages de la musique:
A. Il y a des personnes qui utilisent les réseaux de partage comme substituts à l'achat de CD.
B. Il y en a qui qui utilisent les réseaux de partage pour écouter des extraits, avant d'acheter des CD.
C. Il y en a beaucoup qui utilisent les réseaux de partage de fichiers pour obtenir un accès au contenu qui n'est plus vendu mais est encore sous copyright, ou au contenu qu'il est trop compliqué d'acheter sur le Net.
D. Il y en a beaucoup qui utilisent les réseaux de partage de fichiers pour obtenir un accès au contenu qui n'est pas copyrighté ou pour obtenir un accès au contenu, accès pleinement autorisé par le détenteur du copyright.
Lessig examine un à un les cas en commençant par le dernier:
D. Il ne faudrait pas que le législateur déclare illégale la technologie qui rend possible ce type de partage sous prétexte de lutter contre le type A. Exemple analogique: ce n'est pas parce que les kidnappeurs utilisent des cabines téléphoniques qu'il faut interdire l'usage des cabines téléphoniques.
C. C'est la question des oeuvres indisponibles, sur laquelle le législateur français s'est penché récemment dans le cas précis des ouvrages du XXème siècle. L'usage commercial ou non-commercial doit être autorisé. Cependant, dans le cas où les oeuvres sont commercialisées par des tiers, les auteurs doivent être rétribués par le biais d'un trust, autrement dit une société de perception et de répartition des droits. Insistons sur ce point: le trust aurait pour finalité de rétribuer les auteurs, et non pas, comme dans la loi française sur les indisponibles, d'évincer les auteurs au seul profit des éditeurs défaillants. Ce système aurait pour vertu d'inciter les éditeurs à garder les oeuvres disponibles commercialement.
B et A. Ce sont des cas difficiles. Lessig reprend ici la proposition du professeur de droit William Fisher. Il s'agirait de mettre en place une licence globale dont le mécanisme s'articulerait autour de quatre éléments-clés:
- le marquage des oeuvres
- l'établissement de statistiques d'usage des oeuvres marquées
- une compensation des artistes à proportion des usages constatés
- le financement de cette rétribution par une taxe
6) Décriminaliser la copie
La loi sur le copyright ne devrait pas réglementer les copies mais les usages: par exemple, quels usages collectifs de copies d'oeuvres copyrightées sont autorisés?
Historiquement, la loi américaine sur le copyright ne réglementait pas la copie. Ce n'est qu'en 1909 que la loi a fait pour la première fois référence à la "copie". Cette mention n'avait pas vocation à étendre la portée de la loi, et à vrai dire, le mot était une coquille dans le texte.
A l'heure où la technologie met à notre disposition une foule d'outils permettant la copie (regarder un document en ligne, c'est nécessairement le copier, sauf s'il est accessible en streaming), si le copyright régit la copie, et si copier est devenu aussi commun que respirer, alors une loi qui met en place une réglementation de la copie est une loi qui va trop loin.
Le Congrès devrait renouer avec sa pratique qui consiste à spécifier précisément les types d'usages qui devraient être réglementés par le régime du copyright. La loi ne devrait être actionnée que pour des usages qui sont présumés ou susceptibles d'être des utilisations commerciales en concurrence avec l'utilisation dont se prévaut l'ayant-droit. La loi devrait laisser non réglementés les usages qui n'ont rien à voir avec les sortes d'usages que l'ayant-droit a besoin de contrôler.
7) Décriminaliser le partage de fichiers
Lessig aborde ici en la survolant, la question du financement de la création via une taxe ou une licence globale. Deux remarques sur ce point. D'une part, Lessig ne conçoit la licence globale que comme un dispositif compémentaire et non comme un dispositif unique ou central pour réformer le droit d'auteur. D'autre part, Lessig n'est pas persuadé que le mécanisme de compensation doive être permanent, il le conçoit plutôt comme un mécanisme transitoire.
D'autres mesures ont été proposées par Lessig en 2001 dans The Future of Ideas. Je reprends dans ce qui suit l'excellente traduction de Jean-Baptiste Soufron et Alain Bony:
On ne peut que conclure à l'actualité du propos de Lessig... Hélas... ai-je envie d'ajouter immédiatement, car aucune modification significative allant dans le sens de ses préconisations n'a émergé au niveau mondial.
On a au contraire assisté ces dernières années à une avalanche de lois ou de projets de traités visant à rogner le domaine public et à ériger les ayants-droit au rang de véritables censeurs de la libre circulation des biens communs de la connaissance.
Totalement désuet à l'heure du numérique et d'Internet, l'ensemble des règles qui régissent le droit d'auteur emmailotte la créativité et la libre expression dans de vieilles institutions dont les maîtres-mots sont l'interdiction par défaut de tout réemploi des oeuvres et un usage abusif par les ayants-droit de leurs prérogatives, le tout assorti d'une menace de privatisation rampante du domaine public.
On verra bientôt si le nouveau gouvernement français, qui a donné plusieurs signes, quoique parfois contradictoires ou confus, d'une volonté d'assouplir le droit d'auteur, aura à coeur de réformer le dispositif actuel à l'issue de la concertation qui s'engage.
(1) Pour rendre la lecture plus fluide, je n'ai pas indiqué par des guillemets les très nombreuses phrases de Lessig traduites littéralement. Que Lessig me pardonne ce remix...8) Le droit d'auteur sur les logiciels sous condition
"Si la société est prête à offrir aux producteurs de logiciels plus de protection que ce qu’ils peuvent obtenir par la technique, nous devrions alors obtenir d’eux quelque chose en retour. Par exemple, l’accès au code source après l’expiration du droit d’auteur. Ainsi, on pourrait protéger un logiciel pendant cinq ans, renouvelables une fois. Mais cette protection ne serait accordée qu’à condition que l’auteur remette une copie de son code source en dépôt pendant la durée du copyright. Une fois celui-ci épuisé, cette copie déposée serait alors rendue publique sur les serveurs du bureau américain du Copyright"9) Pour reconstruire les biens communs de la créativité
"Le Congrès pourrait utiliser d’autres voies pour inciter à la création de biens communs de la créativité. Il pourrait par exemple motiver les ayants droit à faire don de leurs droits à des organismes publics chargés de leur gestion. (...) Le Congrès pourrait prendre d’autres mesures. Un problème qui empoisonne souvent la vie des créateurs est celui des œuvres que l’on prétend couvertes par un droit d’auteur alors qu’elles ne le sont pas. Par exemple, il est courant que les éditeurs prétendent posséder un droit d’auteur que la loi ne leur accorde absolument pas, ainsi que le font les éditeurs de partitions, qui mentionnent souvent un copyright sur des œuvres tombées dans le domaine public."10) Des limites à imposer au code
Les DRM (Digital Rights Management) rajoutent une surcouche de droits à la législation existante pour en restreindre la portée et limiter les usages.11) Des limites à imposer aux contrats
Les licences ou conditions générales d'utilisation jouent souvent le même rôle que les DRM et doivent être davantage encadrées.Pour conclure...
Si l'on excepte la question de l'open data, la pensée de Lessig balaye très largement l'ensemble des questions liées au droit d'auteur et propose une série de pistes concrètes pour le réformer.On ne peut que conclure à l'actualité du propos de Lessig... Hélas... ai-je envie d'ajouter immédiatement, car aucune modification significative allant dans le sens de ses préconisations n'a émergé au niveau mondial.
On a au contraire assisté ces dernières années à une avalanche de lois ou de projets de traités visant à rogner le domaine public et à ériger les ayants-droit au rang de véritables censeurs de la libre circulation des biens communs de la connaissance.
Totalement désuet à l'heure du numérique et d'Internet, l'ensemble des règles qui régissent le droit d'auteur emmailotte la créativité et la libre expression dans de vieilles institutions dont les maîtres-mots sont l'interdiction par défaut de tout réemploi des oeuvres et un usage abusif par les ayants-droit de leurs prérogatives, le tout assorti d'une menace de privatisation rampante du domaine public.
On verra bientôt si le nouveau gouvernement français, qui a donné plusieurs signes, quoique parfois contradictoires ou confus, d'une volonté d'assouplir le droit d'auteur, aura à coeur de réformer le dispositif actuel à l'issue de la concertation qui s'engage.