Les bibliothèques de lecture publique, les musées et les services d'archives, ainsi que les établissements d'enseignement primaire et secondaire, risquent d'être les premiers laissés pour compte du texte de loi sur le Prix Unique du Livre Numérique tel qu'il a été voté par le Sénat le 29 mars dernier, puis moyennant des amendements qui n'ont pas modifié l'article 3 al. 2, par l'Assemblée Nationale le 7 avril.
Contrairement à ce qui a pu être avancé ici ou là, la demande de ces institutions de bénéficier d'une exception au cadre du dispositif de Prix Unique du Livre Numérique ne porte pas atteinte à l'objectif rappelé par Frédéric Mitterrand mardi 29 mars au Sénat, "qui consiste à préserver la diversité éditoriale en prenant appui sur un riche réseau de détaillants" constitué de 3500 librairies indépendantes.
Pour Colette Mélot, Vice-Présidente de la Commission de la Culture, de la Communication et de l'Education au Sénat, faire sortir les bibliothèques de lecture publique, les musées et les services d'archives, ainsi que les établissements d'enseignement primaire et secondaire du cadre de la loi sur le Prix Unique du Livre Numérique "pourrait avoir des effets contraires aux objectifs généraux fixés par la proposition de loi, puisque cela reviendrait à évincer les libraires du marché de la vente de contenus numériques aux collectivités" (discussions du 29 mars). Ce raisonnement repose sur un syllogisme du type: ces institutions veulent négocier les prix "en direct" avec les éditeurs, elles se passeront des libraires pour cette étape de négociation, donc elles achèteront les livres électroniques directement auprès des éditeurs.
L'argument est aisément démontable, car il fait l'impasse sur le dispositif existant mis en place par le Code des Marchés: certes ces institutions souhaitent négocier avec les éditeurs comme les bibliothèques publiques le font déjà par le biais du consortium CAREL pour l'acquisition de ressources électroniques, mais cela ne signifie en aucune façon que les libraires sont écartés; car, du moment que le seuil des 4000 € est atteint (1),ces acquisitions sont opérées dans le cadre de marchés publics qui viennent préciser le revendeur sélectionné par chaque collectivité: ce peut être une agence d'abonnement ou un libraire, ce n'est en aucun cas un éditeur.
C'est pourquoi il aurait fallu inclure de façon plus large dans l'exception dont bénéficient pour l'instant seules les bibliothèques de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche : les bibliothèques, les musées et les services de documentation et d'archives, ainsi que tous les niveaux d'enseignement.
Dans une déclaration datée du 3 avril, les élus de la FNCC, la Fédération Nationale des Collectivités territoriales pour la Culture, "attirent (...) l’attention des parlementaires sur la pertinence d’étendre cette exemption aux bibliothèques publiques, aux institutions culturelles territoriales (musées, archives…) ainsi qu’au cadre scolaire (notamment aux établissements du second degré). Rien, en effet, ne saurait justifier de soumettre aux mêmes conditions que les particuliers des réseaux entièrement consacrés à une mission de service public."
On ne saurait mieux dire...
(1) L'arrêt du Conseil d'Etat du 10 février 2010 a annulé le décret n°2008-1356 du 19 décembre 2008 relatif au relèvement de certains seuils du Code des Marchés Publics et qui avait élevé le seuil minimal de passation d'un marché à 20 000 € au lieu du seuil des 4000 € prévu par l’article 28 du même Code.
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